Site icon Keep It Simple

De l’info-pouvoir traditionnelle française à l’intelligence collective

intelligence-collective

La mise en place d’une démarche d’intelligence économique implique de connaitre la carte d’identité de l’organisation souhaitant l’implanter. Si les enjeux sont conséquents, il est fondamental de considérer qu’une démarche d’intelligence économique implique une conduite du changement, notamment sur la culture du partage de l’information.

Cet article est une synthèse de passages non-confidentiels de mon mémoire de fin d’étude. Certains points méritent donc probablement un approfondissement et des discussions. Ainsi, n’hésitez pas à commenter ou à poser vos questions à la fin de l’article dans la partie réservée à cet effet. Les autres articles issus de mon mémoire sont accessibles ici.

La mise en place d’une démarche d’intelligence économique relève d’une véritable conduite de changement. Cependant, l’accompagnement au changement ne peut se faire sans une totale compréhension de la culture interne à l’organisation, résultante des faits historiques structurants pour son identité, de sa relation au partage de l’information et de sa capacité à une remise en cause rapide (agilité) pour une conduite de changement efficace.

La mise en place d’une démarche d’intelligence économique implique le passage d’une culture organisée en silos au passage à une culture du partage de l’information. Mais ce passage d’une culture du silo à une culture de l’intelligence collective n’est pas sans poser de questions culturelles, propres au pays d’origine de l’organisation. Pour le cas d’organisations françaises, les freins sont d’autant plus nombreux.

En France, les principes sont basés sur la compétition[1] et le renforcement de l’individu au sein du collectif. Ces éléments encouragent faiblement à la collaboration et consolident la culture latine de la recherche de reconnaissance. Le système éducatif français n’est pas en reste : l’hypertrophie de l’enseignement par disciplines, créant in fine un cloisonnement inconscient entre métiers, se retrouve dans la structure des organisations françaises.

Finalement, les anciennes perceptions françaises sont toujours profondément ancrées dans le vieil adage : « celui qui détient l’information, détient le pouvoir » (ce que nous nommons « l’info-pouvoir »). Selon cette conception, le travail en réseau et le partage d’information nuit à la compétitivité de l’entreprise, et l’information devient un enjeu de carrière. Mais croire en cet adage implique d’être capable de mesurer la valeur intrinsèque d’une information ; or, comme pour la détermination des prix en économie, la valeur d’une information dépend d’un grand nombre de critères[2]. De plus, avec l’avènement du web social (le web 2.0) où l’internaute est à la fois créateur et consommateur d’informations, celui qui détient le pouvoir n’est plus celui qui possède une information, mais celui qui la diffuse au bon moment et aux bonnes personnes. De fait, l’individualisme français est peu en phase avec la réalité actuelle de la coopétition[3], où le partage permet de recouper et de vérifier les informations.

Ces freins liés à la culture française sont difficiles à lever, sauf avec une véritable politique de long terme, impliquant le système éducatif. Il est alors intéressant de noter que dans la culture asiatique, cela tient du bon sens et de la morale que de laisser son voisin s’inspirer de votre travail, parce que la nature même de l’éthique sociétale est de réussir ensemble (Boutin et al., 2008). Cette question ne sera pas ici développée, mais l’exemple permet de montrer l’écart de représentation qui nous sépare d’une culture du partage, à la base de tout système intelligent.

[1] Concours d’entrée en école, challenges commerciaux en entreprise, recherche d’emploi sur un « marché » devenu hyper-concurrentiel, etc.
[2] Nombre d’utilisateurs / consommateurs, fraicheur, utilisation, etc.
[3] Contradiction de compétition et de coopération, où des organisations peuvent être à la fois partenaires et concurrents en fonction des marchés, des opportunités ou des périodes.

SOURCES :

  • BOUTIN, Eric, LIU, Pei, VU, Manhchien, NGUYEN, Hoang et HOANG, Myzu, 2008. L’Intelligence Economique en Asie et en occident: différences culturelles. In : colloque Intelligence Economique et Francophonie [en ligne]. S.l. : s.n. 2008. p. 1–11. [Consulté le 7 juin 2013]. Disponible à l’adresse : http://halshs.archives-ouvertes.fr/sic_00827039/.
Quitter la version mobile